Après plus de 20 ans passés au plus haut niveau dans le monde valide, c’est un nouveau défi que Guy Ontanon a décidé de relever, celui de manager de la performance du para athlétisme au sein de la FFH. Il décrypte son parcours, son rôle et ses ambitions à venir, à quelques jours du début des Championnats du monde, à Paris.
Peux-tu te présenter et revenir sur ton parcours personnel ?
Guy Ontanon : Je suis issu d’une formation de professeur d’EPS, travaillant près de 20 ans en établissement scolaire. J’ai ensuite été détaché de l’éducation nationale au ministère des Sports en 2002. J’ai par la suite été entraineur national à l’INSEP pendant 4 ans puis manager de la performance en athlétisme au Team Lagardère, une structure privée jusqu’en 2010. Je suis retourné à la FFA comme entraineur national de 2010 à 2022. Enfin, j’ai basculé comme manager de la performance de l’athlétisme handisport le 1er août 2022.
En quoi consiste ton rôle de manager de la performance ?
G.O : Je le considère comme étant un rôle de facilitateur des différents staffs qui vont tourner autour des athlètes du Cercle haute performance, de la cellule Haute performance et plus globalement des collectifs performance de la F.F.H. C’est un travail qui se fait de concert avec le DTN et toutes les personnes qui gravitent autour à l’image de Olivier Deniaud et des entraineurs comme Sylvie Talmant, Jo Maisetti et tous les autres entraineurs proches de ces athlètes. Il faut également veiller aux athlètes des collectifs proches de rejoindre la cellule et le Cercle pour leur mettre toutes les cartes en main et leur permettre de performer.
Il faut sans cesse être en veille des athlètes membres des différents collectifs et de ceux qui en sont proches. Il y a aussi tout un travail en accord avec Pierrick Giraudeau et Sami El Gueddari sur la constitution des chemins de sélection, sur le montage des saisons à venir en vue de faciliter les performances des athlètes. Enfin, il est nécessaire d’être proche de la recherche avec les adaptations des fauteuils de course, de la charge d’entrainement, accompagnement des séances d’entrainements…
Il faut veiller à la montée en compétence des entraineurs sur l’accompagnement de l’ANS mais aussi penser à « l’après carrière » des athlètes en travaillant étroitement avec le bureau de la vie des athlètes et l’accompagnement socio-professionnel porté par Audrey Le Morvan.
Comment se traduit ton lien avec les entraineurs personnels des athlètes ?
G.O : J’essaie de prendre la température auprès des entraineurs pour voir ce qui va et ce qui pourrait être amélioré de façon à monter en compétence à la fois les athlètes mais aussi les entraineurs. Je suis l’ensemble les coachs des athlètes inscrits dans les cellules performance et haute performance ainsi que ceux membre des collectifs. C’est important de les suivre dans leur environnement quotidien pour cerner au mieux ce qui fonctionne et ce qui reste à peaufiner.
Comment et pourquoi as-tu rejoins la Fédération Française handisport ?
G.O : J’ai rejoint la Fédération car j’avais la volonté de changer quelque chose. Au sein de la fédération française d’athlétisme où j’étais, je ne me sentais plus à ma place et j’avais envie de changer, de relever un challenge. Je voulais changer ce que je pouvais offrir au quotidien. Je voulais couper avec le terrain quotidien de l’entrainement et de par les formations que j’ai suivi à l’INSEP, je voulais réinvestir le savoir-être et le savoir-faire que j’ai pu acquérir pour permettre aux athlètes et aux entraineurs d’éviter de commettre les erreurs que j’ai pu commettre auparavant. J’avais cette volonté de transmettre et de jouer ce rôle de facilitateur pour les acteurs du para-athlétisme, aussi bien les athlètes que les entraineurs.
Championnats du monde de para athlétisme, rendez-vous du 8 au 17 juillet 2023
Comment est structurée la performance (coach, techniciens, para-médical) dans ta discipline ?
G.O : Nous sommes structurés avec une médecin référente en la personne de Valérie Thoreau. Vincent Ferring est le kiné permanent même si nous avons un vivier de 4/5 kinés, c’est aussi notre classificateur international. Denis Charreyre est en charge du développement et au niveau de la performance, je m’entoure de différentes personnes comme Sylvie Talmant et Olivier Deniaud. Enfin, nous avons des entraineurs de spécialités ; Franck Foucat pour les lancers, Wilfried Krantz pour les sauts, Jo Maisetti pour le sprint. Enfin pour les fauteuils, ils sont trois : Denis Lemonnier, Serge Robert et Joël Jeannot. Nous nous appuyons également sur les bénévoles et les officiels qui nous aident à monter les compétitions.
Ce qui m’importe c’est que tout le monde donne le meilleur de soi-même. Nous devons œuvrer pour sans cesse nous améliorer en vue des compétitions programmées en 2023 et en 2024. L’idée est de travailler en équipe, que chacun prenne conscience de son rôle et soit responsable de ce qu’il fait. Je ne conçois pas qu’une seule personne soit à la tête de la discipline. On se doit de travailler le plus possible dans la transversalité. Je souhaite que l’on professionnalise notre approche et que l’on joue un rôle de facilitateur, d’accélérateur de choix.
Le terrain de la haute performance nécessite à la fois de la planification et de l’anticipation mais aussi de l’action et des prises de décision rapides. L’un se nourri de l’autre et vice versa. Le travail de planification engendre de la confiance, et à chaque fois que l’on m’a fait confiance et que j’ai eu des résultats, c’est lorsque, le D.T.N ainsi que les acteurs de la performance m’ont fait confiance lors de la prise de décisions rapide une fois dans l’action. Bien entendu, il faut rendre des comptes à la fin mais souvent les résultats sont là, comme cela a pu être le cas avec Christine Aron, Muriel Hurtis ou Jimmy Vicaut.
Quelle est la vision de ta discipline aujourd’hui et qu’elles ont été les grandes évolutions de ces dernières années au niveau de la stratégie de performance ?
G.O : Le para-athlétisme n’a de cesse de gagner en professionnalisation et en visibilité au cours du temps. Lorsque l’on a à la tête de l’ANS quelqu’un comme Claude Onesta ou un DTN comme Grégory Saint-Géniès qui a déjà participé à des Jeux, on commence à avoir une vraie vision de ce qu’est la haute performance, ce n’est pas ou plus de l’amateurisme. L’évolution va vers ce professionnalisme, même s’il y a encore de réels progrès à faire. On sait que les moyens ne sont pas extensibles et il faut faire avec ce que l’on a. Il est nécessaire que chacun puisse se responsabiliser pour que la performance soit la plus belle possible.
Quel est ton sentiment à quelques mois de l’ouverture des Jeux à la maison ?
G.O : Je suis impatient de voir comment les choses vont se mettre en place. Les Championnats du monde de cet été vont me permettre de mesurer le chemin parcouru depuis ma prise de fonction mais aussi le chemin qu’il reste à parcourir. C’est une bonne répétition avant les Jeux Paralympiques. Il y aura des enseignements à tirer, voir quels sont nos axes de progrès, nos lacunes dans cette marche vers la haute performance. Ce sont des évènements fantastiques à vivre et si l’on arrive à placer tout le monde dans cette notion de plaisir, que ce soit les médicaux, les entraineurs, les staffs techniques de la FFH, les entraineurs personnels ou les athlètes, alors on sera sur la bonne voie de la performance.
En quoi le fait que les Jeux et les Championnats du monde soient organisés en France représente une différence ?
G.O : C’est une belle opportunité pour les athlètes français qui vont pouvoir prendre leurs marques. Des Championnats du monde à domicile, c’est une vraie ambiance il faut bien que nos athlètes comprennent que cette ambiance sera surmultipliée au moment des Jeux. Pour ceux qui vont vivre cet évènement pour la première fois à domicile, ce sera une superbe répétition pour 2024.
Sur quoi va-t-il falloir être vigilant (sollicitation des médias, partenaires…) ?
G.O : J’ai fait venir des athlètes valides qui ont gagné des médailles internationales à Paris en 2003 pour donner leur ressenti et pour mettre en garde nos athlètes sur ce à quoi il faudra être vigilant. Il est évident que l’engouement, la sursollicitation des médias et autres sont autant de facteurs qui peuvent influer lors d’une compétition, qui plus est, à domicile.
Quelle va être la stratégie et qu’allez-vous mettre en place avant les Jeux ?
G.O : En terme de stages, nous en avons eu plusieurs à la Réunion, au Portugal ou aux Canaries pour les fauteuils. Nous avons eu le Championnat de France à St Etienne et plusieurs rendez-vous internationaux comme les grands prix de Marrakech, de Notwill, de Dubaï… Dans la préparation des Jeux, nous organiserons deux stages, un en fin d’année 2023 et un en début d’année 2024 dans le but de se préparer au mieux pour les Jeux mais également pour certains dans la perspective des Championnats du monde de Kobé en mai.
Quels seront les athlètes à suivre et les ambitions à venir ?
G.O : Les ambitions sont fortes même si je ne vais pas donner un nombre de médailles à atteindre. Nous avons beaucoup d’athlètes bien placés au niveau du ranking mondial et on est désireux de performer. Des athlètes comme Yasser Musanganya et Thibault Daurat sont en pleine progression et il faudra compter sur eux en 2024. Nous allons aussi nous appuyer sur nos fers de lance à l’image de Pierre Fairbank, Julien Casoli pour les fauteuils, ou encore Timothée Adolphe qui sera notre plus grande chance de médaille sur le 100m et le 400m.
D’autres comme Dimitri Jozwicki, Alexandra Nouchet, Célia Terki ou Nantenin Keita seront à suivre de près. On peut aussi avoir de bonnes surprises avec des jeunes comme Renaud Clerc ou Antoine Praud qui m’ont bluffé et enfin des filles qui ont déjà montré de belles choses comme Mandy François-Elie et Manon Genest.
Rédaction : R. Daguerre