Sports d’hiver, la relève

La relève est un sujet permanent. Il nécessite une réflexion et une adaptation perpétuelles. Christian Fémy, directeur des sports d’hiver pour la Fédération Française Handisport, explique comment les Bleus travaillent et assurent un renouvellement régulier et compétitif. La France avance avec quelques têtes d’affiche, tels Arthur Bauchet, Maxime Montaggioni, Benjamin Daviet mais aussi des jeunes en devenir comme Aurélie Richard, Jules Segers ou Chloé Pinto et Karl Tabouret aux championnats du monde de ski alpin (à Espot, en Espagne) et de ski nordique et biathlon (à Östersund en Suède). Parmi ces derniers, figurent à n’en pas douter quelques-unes des révélations tricolores des prochains Jeux Paralympiques de 2026, prévus à Milan Cortina.   

Après le dernier jour de chaque Jeux Paralympiques, un nouveau casse-tête se profile pour Christian Fémy. « Je sais que le jour de gloire est passé et je me demande si la France sera au rendez-vous quatre ans après. » La question s’est encore posée après la quatrième place des Tricolores à Pékin en 2022 (7 médailles d’or, 3 d’argent et 2 de bronze). Quatre avant, à PyeongChang, la France avait déjà terminée quatrième. « On s’en sort toujours bien parce que l’on véhicule une certaine image, notamment sur la partie compétition », appuie Christian Fémy, ravi de pouvoir compter sur le soutien de Xavier Rolland-Muquet, à la fois chargé du développement des sports d’hiver et entraîneur de l’équipe de France de parasnowboard. « Les gens voient que nous existons. » Des champions comme Marie Bochet, Arthur Bauchet, Benjamin Daviet, Cécile Hernandez sont des exemples identifiés par les plus jeunes en situation de handicap amateurs de montagne, de neige et de sports chronométriques. « Quand je vois nos résultats sur les premières coupes du monde, je constate que la France, avec de nouveaux profils, occupe toujours le haut de l’affiche », se réjouit Christian Fémy. Depuis 2010, les paras sports d’hiver français peuvent se targuer d’être solidement installés dans le top 5 des nations.       

Des leviers différents des sports d’été

Les leviers sur lesquels s’appuient les disciplines hivernales sont très différents de leurs homologues des sports d’été. « Pour une question de temporalité, très différente de celle des sports estivaux, il n’y a pas de Jeux de l’Avenir ou de stage Jeunes à potentiel dédiés à la pratique du ski alpin nordique ou du snowboard », constate Christian Fémy. « Les problématiques des sports d’hiver sont la compétence, la connaissance ainsi que d’être dans le milieu adéquat. Il faut être dans des zones géographiques spécifiques. »

Les championnats de France, sur lesquels les champions viennent systématiquement, pour se retrouver et partager avec le plus grand nombre, n’ont pas pour vocation première la performance. « Mais on véhicule ces valeurs et cette image grâce à la présence des médaillés mondiaux et paralympiques. »

Le système de développement n’est pas formaté, comme il peut l’être pour les disciplines estivales. « Nous accompagnons nos promesses à notre manière », parce qu’il est très difficile de trouver un club handisport à une personne en situation de handicap souhaitant pratiquer le parasnowboard. Cela vaut aussi pour le ski nordique et alpin. Les clubs handisport ne sont pas outillés pour une pratique régulière et compétitive. « Ils sont plus orientés vers les sports d’été. Il est plus facile pour les clubs handisport de grandes villes de proposer des journées de basket ou de tennis que des sorties sports d’hiver. »

Le développement demande davantage de communication encore. Anaïs Bescond, championne olympique 2018 de relais en ski nordique et membre du staff France de biathlon cette saison, a déjà partagé son vécu lors de stages développement. « La communication doit s’adresser et concerner tout le monde, pas uniquement les athlètes qui trustent déjà les médailles internationales. On doit montrer davantage les possibilités qui existent aux sports d’hiver pour les jeunes en situation de handicap. Il faut que plus de monde pratique. Que l’on rende moins exceptionnel le paraski. Avec davantage de pratiquants, on pourrait s’inspirer encore plus de ce qui se fait en valide », se projette-t-elle. « Les démarches actuelles sont intéressantes et vont dans le bon sens. »         

Des talents détectés dans les clubs valides

La détection et l’accès aux podiums mondiaux et paralympiques passent par un lien étroit avec les clubs valides et les entraîneurs issus du monde valide et par une grande fluidité en interne. « Nous organisons, par les entraîneurs des équipes de France, des stages développement, où se mêlent facilement nos champions. Et nous intégrons assez vite nos jeunes aux entraînements des Groupes France. C’est une facilité que nous avons de pouvoir emmener assez rapidement nos espoirs sur les rendez-vous internationaux. » Ainsi,  Jules Segers, Oscar Burnham, Victor Pierrel, tous trois présents aux Jeux de Pékin l’an dernier, étaient encore dans le groupe Relève, moins de deux ans avant. Idem pour Aurélie Richard, 16 ans, lancée cette année sur des épreuves de coupe du monde. Cela vaut aussi pour le skieur nordique Karl Tabouret, 7e pour sa troisième participation en coupe du monde, en novembre dernier en Finlande. « Ce sont aussi les clubs valides qui organisent la majorité de nos événements et de nos stages »

De la formation dans les régions  

Les relations privilégiées avec le monde valide sont nécessaires et indispensables pour maintenir la France parmi les meilleures nations paralympiques. « On s’appuie sur des entraîneurs de clubs professionnels et valides. Ils décèlent facilement les potentiels et leur amènent les outils pour une progression idéale. » Les clubs valides se structurent pour accueillir des sportifs en situation de handicap. Tignes comptait deux représentants aux Jeux de Pékin. Courchevel, qui se définit comme le Real Madrid du ski alpin, vient aussi d’intégrer Hyacinthe Deleplace et ses guides. Christian Fémy salue, d’ailleurs, la reconduction de la convention avec la Fédération Française de Ski. « On la remet à jour parce que nous intégrons désormais la Fédération Internationale de Ski, dont la FFS est membre. Cela renforce encore nos liens avec l’environnement valide. »         

Parallèlement, de nombreuses actions voient le jour au sein des comités départementaux handisport et de certains clubs. « Je me réjouis de voir que la Savoie, la Haute-Savoie, l’Isère, comme la Ligue Auvergne Rhône-Alpes incluent de la formation. Que cela prend de l’ampleur », apprécie le directeur sportif. « Ces initiatives locales, qui complètent celles de la commission ne sont que du plus. » 

Rédaction : J. Soyer