Christian Fémy, référent des sports d’hiver pour la Fédération Française Handisport, dresse un bilan complet des championnats du monde de ski alpin et nordique, de biathlon et de snowboard. Si le manager de la performance hiver de l’équipe de France se réjouit de la forme affichée par ses protégés et d’un bilan qu’il juge satisfaisant, il n’en oublie pas pour autant de souligner les axes d’amélioration en vue des prochains Jeux Paralympiques d’hiver de Milan-Cortina (6-15 mars 2026).
Cette année, les championnats du monde de ski alpin handisport ont eu lieu du 4 au 11 février 2025 à Maribor (Slovénie). Ceux de biathlon handisport se sont tenus à Pokljuka (Slovénie) du 6 au 9 février. Les Mondiaux de ski nordique ont été disputés à Toblach (Italie) du 11 au 14 février, puis à Trondheim (Norvège) les 4 et 5 mars. Le snowboard a fermé la marche à Big White, au Canada, du 6 au 10 mars.
Christian Fémy, que retenez-vous de ces championnats du monde complètement inédits dans leur forme ?
Inédit, c’est tout à fait le terme, pour plusieurs raisons. C’est la première fois que les championnats du monde de ski de fond et de biathlon étaient séparés. Inédit aussi au regard de la temporalité des épreuves en alpin. Nous avons vécu un championnat du monde de neuf jours pour prendre deux départs seulement (géant et slalom hommes et femmes). Faute d’organisateur, la FIS a confié ces Mondiaux à Maribor (Slovénie), or on sait que cette station fait souvent face à des soucis d’enneigement. Il n’y avait d’ailleurs plus eu de compétitions de ce niveau depuis un moment. Nous étions en route vers la Slovénie quand la FIS annonçait que l’épreuve de descente était annulée. Une fois là-bas, nous avons eu la confirmation que l’enneigement était insuffisant.
Après de multiples échanges avec la FIS, toutes les épreuves de vitesse ont finalement été annulées. En revanche, le programme des épreuves techniques, lui, fut maintenu. Nos entraîneurs ont réussi à garder le tempo pendant les trois jours d’attente liés à ces annulations. L’organisation fut assez complexe : il fallait parcourir 40 minutes pour aller s’entraîner et nous n’avions que des créneaux de deux heures.
« On a fait un saut en arrière »
La France, comme d’autres nations, est montée au créneau…
Les entraîneurs de plusieurs nations se sont mobilisés et n’ont pas manqué d’interpeller la FIS, tant oralement que par écrit. On peut regretter que la FIS se soit principalement concentrée sur les championnats du monde valides qui se déroulaient en même temps à Saalbach (Autriche). On n’est pas la priorité de la FIS.
La France n’a pas manqué d’interpeller aussi la FIS sur le sujet. La FFH, forte de l’organisation de deux étapes de Coupe du monde cette saison, dont l’organisation fut louée de tous grâce à l’implication, au savoir-faire et aux stations de Tignes et Courchevel, a prouvé l’existence d’un réel savoir-faire français en matière de compétition de haut niveau. La Fédération Française Handisport a voulu servir d’exemple et de modèle de ce à quoi l’on devait tendre en matière de compétition de haut niveau en para ski alpin. Mobilisation des télévisions, cérémonie protocolaire, mobilisation du public, animation… Tout fut mis en place lors de ces deux étapes de Coupe du monde où les Français ont su briller devant leur public. Or, lors de ces Mondiaux de ski alpin, on a fait un saut en arrière énorme.
Que retenez-vous des résultats des Français ?
Nos sportifs ont su se remobiliser. Avec deux titres pour Arthur (Bauchet) et deux médailles de bronze pour Jules (Segers), la France a pris la deuxième place du classement des nations. Les autres Français ne sont pas trop loin. Aurélie Richard, de retour de blessure, a montré de belles choses lors de ces Mondiaux, en retrouvant de plus en plus de sensations. Nos fauteuils sont dans le coup. Il y a eu de belles batailles. C’était intéressant parce que tous les meilleurs étaient là.
Un mot sur le biathlon et le nordique…
L’équipe a enchaîné trois gros événements en un mois avec la Coupe du monde (test event) de Val di Fiemme (Italie) les 1er et 2 février 2025 sur le site des prochains JP, les Mondiaux de biathlon à Pokljuka, en Slovénie, et les Mondiaux de ski de fond à Toblach en Italie. Avant de conclure par le sprint classique à Trondheim en Norvège, début mars. C’était donc une longue tournée, sur quatre sites différents, une équipe resserrée menée par Benjamin (Daviet) et Anthony (Chalençon)… et Karl (Tabouret).
Karl, justement, fut sans doute la révélation de cette saison. Après son premier podium en Coupe du monde à Val di Fiemme, il a enchaîné lors des Mondiaux de nordique avec son premier podium en championnat du monde (sur 10 km classique). Chacune de ses arrivées est un vrai spectacle. Il s’investit tellement, repousse ses limites à chaque course pour s’effondrer littéralement à chaque arrivée. Il faut un défibrillateur pour le relever (rires) ! La montée en puissance de l’ensemble de l’équipe est claire et la dynamique est bonne. À un an des Jeux, c’est positif. La France est bien là et dispose de trois candidats solides aux podiums pour Milan-Cortina.
En ski nordique, la France doit préparer la relève
L’équipe de ski nordique s’est aussi étoffée avec l’arrivée d’Alexis Sanchez ?
Cette arrivée s’est faite sur le tard, mais il connaît le haut niveau puisqu’il était aux Jeux Paralympiques de Paris cet été en aviron. En fauteuil, ces deux sports (aviron et nordique) ont des similitudes sur le plan énergétique. Il renforce le collectif. Il va lui falloir un peu de temps pour monter sur des podiums, mais il affiche de très bonnes intentions. Ce qu’il a montré est donc très prometteur.
Cette équipe peut-elle voir venir d’autres nouveaux profils ?
On l’espère à court terme. C’est l’objectif, parce que l’on sait que l’on risque de perdre certains sportifs après les Jeux de Milan-Cortina. Anthony, certainement, et peut-être Benjamin. On doit donc grossir les rangs au fur et à mesure.
Cécile Hernandez double médaillée d’or en snowboard cross
Cela vaut aussi pour le snowboard, où Cécile Hernandez et Maxime Montaggioni étaient les seuls représentants français aux Mondiaux de Big White (Canada) ?
Oui. C’est sûr. Mais ils ont encore tenu la baraque. Ils ont commencé un peu doucement, mais petit à petit, ils ont élevé leur niveau. Après sa médaille de bronze en banked slalom, Cécile s’est bien engagée sur un parcours qui le nécessitait pour aller chercher de l’or en snowboard cross individuel et par équipe, avec Maxime. Quant à Maxime, après la déception du banked slalom, où il n’a pas franchi les qualifications, il a bien réagi. Il est le seul non-Chinois en finale, mais malheureusement, il a cassé une fixation. Sans cela, il aurait pu prétendre au podium.
À un an des Jeux de Milan-Cortina, comment qualifiez-vous cette saison qui touche à sa fin ?
La dynamique est vraiment bonne. Je ne reviens pas sur l’alpin. En ski nordique-biathlon, l’arrivée de Karl Tabouret a apporté un nouvel élan et favorise cette dynamique très favorable. Son émergence est aussi un vrai atout pour le relais par équipe. Enfin, en snowboard, il faut reconnaître que nous avons une petite équipe avec seulement deux éléments. Mais Cécile Hernandez et Maxime Montaggioni démontrent à chaque championnat du monde et aux Jeux qu’ils font partie des meilleurs mondiaux. Le bilan est donc satisfaisant en termes de résultats et très satisfaisant par rapport à toutes les dynamiques qui se mettent en place. À nous de bien planifier et de bien répéter ce qui a fonctionné. Et de corriger ce qui peut encore l’être.
Les médailles françaises
SKI ALPIN
Géant
Or : Arthur Bauchet.
Bronze : Jules Segers.
Slalom
Or : Arthur Bauchet.
Bronze : Jules Segers.
BIATHLON
7,5 km sprint
Argent : Anthony Chalençon et Florian Michelon (guide).
12,5 km
Argent : Benjamin Daviet.
SKI NORDIQUE
10 km classique
Argent : Karl Tabouret.
20 km
Argent : Anthony Chalençon et Florian Michelon (guide).
Sprint classique
Or : Karl Tabouret.
Bronze : Benjamin Daviet.
SNOWBOARD.
Banked slalom
Bronze : Cécile Hernandez
Snowboard cross
Or : Cécile Hernandez ; Équipe mixte (Cécile Hernandez et Maxime Montaggioni).