Norbert Krantz, « tout mettre en œuvre pour placer les sportifs dans les meilleures dispositions »

La saison estivale est lancée et de nombreuses échéances attendent le collectif Bleu Handisport. De nombreuses compétitions de référence attendent les staffs et les sportifs. Norbert Krantz, manager de la haute performance nous explique son rôle, ses missions et les enjeux à venir en vue de préparer les Jeux de Paris et d’y performer.


Bonjour Norbert, peux-tu te présenter et revenir sur ton parcours professionnel ? 
  
Norbert Krantz : J’occupe la fonction de manager de la haute performance à la Fédération Française Handisport. Nommé par le Directeur Technique National, je suis chargé d’optimiser le nombre de médailles d’or que l’on pourrait gagner aux Jeux de Paris 2024.

J’ai fait mes premières armes comme Professeur d’EPS, mais je me suis très vite investi dans le domaine de l’entraînement, comme entraîneur de club (athlétisme) puis plus tard, comme préparateur physique (rugby). Parallèlement et durant tout ce temps, j’ai poursuivi mes études.  Je suis aujourd’hui titulaire d’une Agrégation d’EPS, d’un Doctorat STAPS, du Diplôme de l’INSEP… 

Norbert Krantz © D. Echelard

Sur le plan des responsabilités, j’ai assumé différents rôles comme assistant conseil auprès des acteurs du haut niveau, formateur de cadres, responsable de l’Unité d’Aide à la performance à l’INSEP. Ma dernière fonction avant de rejoindre la FFH consistait à mettre en place les accompagnements nécessaires à la préparation des 28 équipes de France présentes sur site : préparation physique, réathlétisation, préparation mentale, nutrition, récupération, etc. Je suis également l’auteur de 9 ouvrages dans le domaine du sport.

Comment et quand es-tu rentré dans le mouvement handisport ? 
N. K : Je n’aurais jamais imaginé rejoindre le mouvement handisport car j’occupais un poste intéressant à l’INSEP qui, je le pensais, m’aurait mené jusqu’à la retraite. Pierrick Giraudeau (directeur de la performance à l’époque) est venu me trouver pour savoir si je voulais bien rejoindre le mouvement handisport pour occuper le poste de directeur des équipes de France. Après quelques semaines de réflexion, j’ai décidé de me lancer ce défi, qui me passionne toujours autant. J’ai senti qu’il y avait plein de choses à faire et j’ai eu envie de faire progresser toute la communauté du handisport vers le haut niveau.   

Tu es responsable de la haute performance, quels sont tes grands axes de mission ?   
N. K : En adéquation avec le DTN, je suis responsable du programme « Gagner l’or ». Il s’agît de faire en sorte que la France, puisse augmenter son capital médailles et démontre sa capacité à remporter l’Or (7 médailles d’or à Tokyo sur 41 médailles au total). Je suis également chargé d’un autre processus, nommé « manager l’or ». Ce processus s’adresse aux managers des disciplines afin qu’ils réfléchissent à des questions liées à la façon dont ils managent « leurs troupes » (autoévaluation et évaluation par un pair, points à travailler, etc.).

Dans un autre domaine, je réponds à des besoins divers qui s’expriment dans le domaine de la formation, ou dans celui de l’outillage technologique (utilisation par exemple de l’outil d’analyse vidéo Dartfish). Enfin, je visite régulièrement les équipes in situ (lors de stages ou de compétitions) pour me faire une idée de la fluidité de fonctionnement entre tous les acteurs et déterminer les axes de travail pour ajuster les réponses aux besoins qui s’expriment dans le cadre des pratiques de très haut niveau.  

« Tout est mis en œuvre pour placer les sportifs dans les meilleures dispositions possibles. »

Comment se matérialise l’accompagnement vers l’or ?   
N. K : Les sportifs identifiés comme médaillables et titrables, au nombre de 64, remplissent chaque année un Plan de Performance Individuel (PPI) dans lequel sont précisés les objectifs, la façon dont la programmation d’entraînement va être conduite, les outils qui vont servir à l’évaluation, l’accompagnement dont ils disposent, les besoins nécessaires à l’accomplissement de leur préparation… Le document est signé par tous les acteurs concernés ; il fait office de référence pour l’année en cours. Parallèlement, une série d’entretiens périodiques est organisée avec chaque sportif, en présence des acteurs principaux, afin d’optimiser de façon totalement individuelle et personnalisée la préparation aux grandes échéances dont celle des Jeux. Des entretiens d’une heure chacun, relativement confidentiels, qui permettent d’aller au-delà des apparences et qui, lorsque la confiance est bien instituée, de traiter en profondeur certaines questions. Un bilan est dressé à la fin de chaque cycle de travail et de compétition.    

Comment cible-t-on un athlète en capacité d’aller chercher l’or ?   
N. K : Dans le mouvement handisport, c’est assez différent du champ valide car on peut assister à des carrières qui explosent rapidement soit parce que le sportif ne s’était pas encore fait connaitre, soit parce qu’il ne bénéficiait pas d’une bonne classification. Récemment, on a eu l’exemple d’une pongiste qui est devenue championne du monde après quelques petites années de pratique.

Nos critères sont les résultats bruts dans des compétitions de référence (plus haut niveau de concurrence), mais nous travaillons également sur des critères plus qualitatifs comme l’écart à la performance, qui est l’écart avec le ou la meilleur(e) dans la discipline. C’est ainsi qu’on peut finir deuxième mais rester à plusieurs minutes du premier en cyclisme et ainsi n’avoir aucune chance de combler l’écart alors qu’à l’inverse, on peut finir 4 ou 5ème mais seulement à quelques dixièmes du premier.

D’autres critères du même genre sont pris en compte : la dynamique de progrès (voir si le sportif évolue positivement, stagne ou régresse) ou encore la stabilité de la réponse, il s’agit de voir si le sportif est en mesure de récidiver ses bonnes performances. 

Comment évalues-tu l’accompagnement mis en place pour la cellule haute performance ?   
N. K : Tous les sportifs ont tiré profit des accompagnements que l’on a mis à leur service ainsi que leurs entraineurs qui sont montés en compétences de façon progressive. Le processus de professionnalisation est en œuvre. Il le fallait compte tenu de la montée en puissance de la concurrence qui ne laisse plus aucune place à l’improvisation. En tout cas, à notre niveau, tout est mis en œuvre pour placer les sportifs dans les meilleures dispositions possibles. Notre adage est celui-ci : sans peur, ni regret.

On parle souvent des « Maisons Régionales de la Performance (MRP), comment contribuent-elles à la quête d’une médaille paralympique ?   
N. K : On parlait des besoins spécifiques des sportifs que l’on essaie de traiter au niveau local, c’est-à-dire, là où vit le sportif et/ou là où il s’entraîne. L’ANS a souhaité que les CREPS et autres établissements assimilés se mobilisent pour répondre à cette demande, en complémentarité avec la FFH.  On met à notre disposition toutes sortes de compétences : préparateurs physiques et mentaux, chercheurs, médecins et kinésithérapeutes (récupération) ainsi que d’autres services. Tout ce monde-là est mis au service des projets de haute performance pour répondre aux besoins exprimés par les 43 sportifs tagués « Cercle Haute Performance » mais également par les 21 sportifs tagués « Cellule Perf 24 » (forts outsiders). Ces actions sont initiées et coordonnées par les managers disciplinaires et par les entraîneurs personnels des sportifs concernés. C’est un service qui évite la fatigue due à de trop longs déplacements, qui annihile le travail à distance et permet ainsi un meilleur suivi du sportif.   

« Pour 2024, notre ambition est de gagner 18 médailles d’or »

Peux-tu nous faire un résumé des résultats des derniers Jeux et les ambitions à venir pour 2024 ?   
N. K : Le nombre de médailles à Tokyo a dépassé nos espérances (41 médailles contre 21 à Rio) mais nous avons été en difficulté sur le gain des médailles d’Or (7 contre 6 à Rio). Nous avons représenté au total 74% des médailles gagnées par la France dans le champ paralympique. En 2021, nous avions 31 sportifs considérés comme titrables et médaillables ; en 2022-23, nous en avons 43. Cela représente un gain quantitatif et qualitatif très important.   

Pour 2024, notre ambition est de gagner 18 médailles d’or, soit 11 de plus qu’à Tokyo. Je suis optimiste sur notre capacité à relever ce défi, car en 2022, nous avons remporté 13 breloques d’or dans des épreuves du programme Paralympique, à l’occasion de quelques Championnats du monde, en sachant que tous les sports n’ont pas eu l’occasion de se confronter dans une compétition majeure (athlétisme, escrime, haltérophilie…).  

Les Jeux de Paris vont occasionner une sur-sollicitation des médias. Est-ce quelque chose que vous travaillez et sur lesquels vous mettez en garde les athlètes ?   
N. K : On va y faire attention. On sait que certains sportifs auront besoin d’un accompagnement pour rester focus sur la compétition et ne pas succomber à la pression (notion de stress négatif) ; d’un autre côté, il ne faut pas négliger la plus-value apportée par la présence de supporters dans l’environnement du sportif, et ce afin de pouvoir profiter de ce que l’on désigne sous le Home advantage. A l’instar de notre équipe de France de rugby-fauteuil qui a su parfaitement tirer profit du public, pour remporter le titre de Championnat d’Europe à domicile, en 2022. J’ai confiance en nos sportifs, car ils sont capables de relever ce genre de challenge, comme ce fut le cas à Tokyo. De manière générale, je trouve qu’ils ont « la tête bien faite ».    

Pour conclure, trois mots pour définir les Jeux de Paris ?   
N. K : Spectaculaire (à voir absolument), réussite (venir encourager) et humanité (toujours respecter les autres) ! 

Rédaction : R. Daguerre