Champion paralympique et multimédaillé aux Jeux entre Barcelone 1992 et Sydney (2000), le cycliste Francisco Trujillo, 63 ans, a repris du service comme mécanicien dans le staff actuel. Malgré les évolutions technologiques et techniques, le Bourguignon, appelé par Laurent Thirionet, l’entraîneur national, veille sur les vélos des champions à Tokyo.
Francisco comment êtes-vous devenu mécanicien de l’équipe de France de cyclisme handisport ?
Francisco Trujillo : Quasi-naturellement. Quand j’étais paracycliste, déjà, je réparais mes vélos et ceux de mes partenaires si besoin. Soudeur de métier, j’ai vraiment commencé la mécanique en 1974. Je suis un passionné et dans le cadre de ma profession, j’ai sympathisé avec un dessinateur de pièces qui m’a demandé si je voulais apprendre la mécanique, à coudre des boyaux… Issu d’une famille modeste, j’ai été refroidi, une fois, quand je suis allé faire un réglage chez un marchand de cycle près de chez moi. Il m’a pris si cher que j’ai décidé de faire la mécanique moi-même. J’ai appris à fabriquer mes propres outils, mes roues… Lorsque j’ai arrêté ma carrière, j’ai basculé quasiment aussitôt sur ce rôle au sein du collectif France. Je suis le seul mécano amputé d’un bras.
Et vous êtes revenu sur ce poste il y a peu ?
F. T : Oui. J’ai été mécano d’Athènes (2004) et à Pékin (2008), puis j’ai arrêté parce que le staff qui a pris la suite avait son équipe. Ça ne m’a pas dérangé parce que je saturais un peu. En 2017, nous nous sommes retrouvés avec Laurent et d’autres sur le Roc’Azur. C’est à ce moment-là qu’il m’a proposé d’intégrer le staff comme mécanicien. On a passé de nombreux Jeux ensemble avec Laurent et on s’est toujours bien entendu. J’ai donc accepté sans hésiter.
Quel est votre rôle exact à Tokyo ?
F. T :On travaille sur tous les vélos, ceux de chronos, ceux de piste, les handbike… Il y en a 25. Je suis débrouillard et avec le temps on trouve de plus en plus de solutions, même si aujourd’hui la technologie a pris de plus en plus de place. Il est donc de plus en plus difficile d’intervenir et créer des pièces comme j’étais amené à le faire parfois avant. Maintenant, un peu comme pour les voitures, tout ou presque se fait par ordinateur, via un boîtier. On amène néanmoins toujours de l’alu pour, si besoin et si possible, refaire des pièces cassées à l’identique.
Avez-vous dû suivre des formations spécifiques pour vous mettre à jour ?
F. T : Non. Je travaille avec deux mécaniciens plus jeunes, Damien Bergerer et Willy Robin. L’un bosse chez Decathlon et l’autre a son propre magasin de vélo. Ils m’expliquent tous deux les nouveautés. Par ailleurs, je connais quasiment tous les marchands de cycles de Saône-et-Loire car j’ai roulé avec eux. Ils me renseignent contre un peu de mécanique à l’ancienne.
Vous devez avoir une forte pression sur les épreuves internationales…
F.T : Oui, il faut faire les choses rapidement… Certains sont parfois très exigeants. Dès fois, ils nous font transpirer. On a l’habitude de courir, quand il faut mettre les bouchées doubles, on sait le faire. Il m’est arrivé de travailler jusqu’à 4 h du matin…
Et pendant les courses ou juste avant, quel est votre rôle ?
F. T : On les rassure parfois, on est là, on fait en sorte qu’ils soient dans les meilleures conditions. On nettoie les casques, les visières, on travaille des gilets de refroidissements… On ne ménage pas nos petites attentions… On amène des petites bouteilles pour les arroser comme à Lisbonne au Portugal, lors des derniers championnats du monde, où il faisait très chaud…
Vous arrive-t-il d’évoquer votre passé de champion avec les coureurs ?
F. T : S’ils me le demandent oui. Parfois, je leur donne quelques astuces. Mais dès fois, j’ai envie de prendre le vélo et de faire quelques tours.
Rédaction : J. Soyer